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Le projet + Témoignages

En 2010, je me retrouvais dans le Morvan suite à la thèse d’Emmanuelle Jouët, chercheuse en sciences sociales, pour travailler sur une terrible histoire de maltraitance sur des mineurs qui dura 10 ans et qui aboutit en 1911 à un procès à Avallon, où des adultes étaient pour la première fois condamnés pour maltraitance. Nous avons joué la deuxième partie de la pièce « Les enfants des Vermiraux » dans le tribunal d’Avallon où un siècle auparavant avait eu lieu ce procès effacé de la mémoire collective et qui ressurgissait grâce à cette création théâtrale. (http://vermiraux.blogspot.fr/ + article de Boris Cyrulnik) Je découvrais à travers cette thèse, qui devint un récit théâtral, d’abominables abus d’adultes sur les enfants des Vermiraux à Quarré les Tombes. Ont participé à cette création des jeunes d’un collège, d’une école amateur d’Avallon, 5 détenus lors du premier atelier mixte créé dans la prison de Joux la Ville, une dizaine de jeunes du foyer la Maison d’Auxerre et d’un centre éducatif. Nous avons joué 7 fois le spectacle, à Avallon, Quarré les Tombes et dans la prison de Joux la Ville.

Par la suite, le foyer la Maison comme le centre éducatif d’Auxerre ont souhaité sur 2012-2013 renouveler leur collaboration et ont entraîné avec eux d’autres foyers sur Auxerre, Coulanges… et le centre éducatif renforcé de Gurgy avec lesquels nous avons créé des courts métrages et des créations scéniques « De la scène à l’image et les 7 péchés capitaux » Une centaine de jeunes a participé à ce projet. La presse comme sur « les enfants des Vermiraux » en a fait écho de belle manière. (http://delascenealimage.blogspot.fr/) En 2014, l’engouement des directeurs et des éducateurs de foyers, de centres éducatifs, instituts thérapeutiques et des acteurs en herbe nous a amené à nous lancer un nouveau défi artistique : la création d’une œuvre théâtrale classique : « La dispute.com » d’après Marivaux. (http://la-dispute-com.blogspot.fr/)

En 2015-2016 nous avons créé « Roméo M Juliette », une création théâtrale, musicale et vidéo inspirée de Shakespeare avec des jeunes de maisons de quartier, classes relais de l’Education Nationale, foyers et d’autres sous PJJ sur Nevers et Auxerre. Vingt cinq jeunes ont joué sur scène et près de quatre vingt ont travaillé sur les décors et les costumes dont dix jeunes filles du Lycée Technique Jean Rostand de Nevers. Cinq retraitées nous ont rejoints et nous les avons insérés dans la pièce grâce à la réalisation de courts métrages. La pièce a été jouée au Théâtre de l’Aquarium à Paris, à la MCNA de Nevers, au Skenet’eau de Monéteau et dans des maisons de 28/03/17 4 quartier en octobre et décembre 2016. (http://romeomjuliette.blogspot.fr/)

Suite à ces différentes créations en Bourgogne et sur la dynamique de « Roméo M Juliette » nous mettons en place un nouveau projet qui sera intergénérationnel.
En effet, un groupe d’une quinzaine d’« anciens » sensibilisé par cette création a souhaité travailler avec nous. Une quarantaine de participants suivront donc pendant plus d’un an des ateliers d’art dramatique, écriture, vidéo, montage jusqu’à la réalisation des films. Ils découvriront pour la première fois dans leur grande majorité le théâtre et les tournages. Ils aborderont une culture plus traditionnelle dans un mode ludique, une nouvelle manière de s’exprimer, de prendre la parole pour mettre de côté la violence qui les accompagne trop souvent, ils deviendront des acteurs à part entière. Nous ferons appel à leur exigence et à leur talent dans un cadre, à la fois ouvert, mais très contraignant. Nous ferons également des ateliers d’écriture pour ceux qui souhaitent contribuer à l’élaboration des scénarios des courts métrages. C’est aussi une formidable occasion de réconcilier les différentes générations qui dans les mêmes quartiers s’ignorent. Les préjugés s’estompent très vite dans le cadre d’une création théâtrale ou vidéo. (voir le compte rendu en bas de page) Lors de ces créations, les jeunes retissent un lien avec la société à travers l’équipe professionnelle et grâce à leur investissement personnel. Pour certains, c’est l’occasion de se réconcilier avec leurs proches et leur famille qui ont un autre regard sur eux, car ces projets changent aussi le regard de l’autre. Ils retrouveront confiance, un certain calme, le travail de mémorisation et de concentration, l’immobilité, le silence, l’attente… qui les aident à surmonter leurs difficultés et leurs blocages. Leur parcours scolaire s’améliore souvent durant cette période comme en témoignent les éducateurs et les jeunes eux-mêmes. Le théâtre est le lieu qui ne les montre pas du doigt dans leurs échecs mais qui leur redonne le goût du travail personnel et en groupe. Leur droit à la culture est un droit majeur, car il leur permet d’avancer, d’exister, de se défendre, de retrouver l’estime de soi, de progresser dans leurs études, de se découvrir des talents et pour certains, dans leur futur, peut-être un choix de vie ? Nous ferons deux étapes théâtrales publiques durant cette année d’atelier. Nous présenterons notre work in progress, les maquettes des films au public des quartiers et ce, avant les tournages. Les jeunes de la PJJ participeront aussi aux courts métrages, étant condamnés par la justice, nous serons dans l’obligation de protéger leur anonymat.

Témoignages des anciens suite à une courte résidence en février 2107
Un bilan très positif sur les 3 jours atelier-théâtre que nous avons mis en place sur les vacances de février afin de voir si le projet « scène à tout âge » pouvait prendre vie. Quelques séniors ont accepté d’en faire un bilan individuel écrit, voir ci-dessous. Ce moment a été propice d’échange, de bonne humeur, de découverte entre les jeunes et les séniors. Une expérience que chacun veut revivre. Aucune gêne entre les participants qui, il faut le souligner ne se connaissent pas et ont un a priori. Les séniors voient les jeunes du quartier comme « des casseurs », les jeunes voient les séniors comme « des empêcheurs de tourner en rond ». Il était improbable que ce public se côtoie, et pourtant….un lien très fort s’est créé grâce à ce projet.
Françoise SADOUX, référente famille et séniors. 

Les trois jours de théâtre ont été pour moi une très belle expérience. Novice dans ce domaine, j'ai été étonnée de voir ce que je pouvais faire sur scène (malgré le trac). Ce fut un plaisir, un travail sur soi mais bien encouragée et bien écoutée. D'autre part le fait que les jeunes du quartier se sont joints à nous, a été également une nouvelle expérience. C'est à dire au départ l'acceptation de ces jeunes garçons qui ont voulu tout de suite jouer un rôle avec nous, leur gentillesse, leur sympathie, sans oublier leur politesse. Malgré les a priori que l'on a parfois vis à vis de cette jeunesse, il faut vivre ces nouvelles expériences pour que nos idées changent. Certes leur langage de jeunes reste le même mais dans un autre contexte et de ce fait nous l'acceptons plus volontiers. Et je pense qu'à partir de moments comme ceux là, il se crée des liens qui n'auraient pas lieu d'être autrement. Exemple si je rencontre un de ces jeunes que je connais maintenant, c'est avec grand plaisir que nous échangerons un petit bonjour voir une petite conversation, et c'est un exemple de vie qu'il faudrait instaurer. Et c'est avec plaisir qu'il faut dire haut et fort de continuer les spectacles, ce qui permet d'avoir un regard différent sur la jeunesse de quartier. Partout il y a des voyous mais beaucoup de jeunes veulent aussi faire changer l'image qu'on leur donne. Et c'est dans ce sens qu'il faut travailler ensemble et se donner les moyens pour le faire.                                                                                        Monique SARAZIN 

C’était très chouette, il faut absolument continuer.                                                         
                                                                                                                                          Nicole PARIS 

Ce « Théatricaly Brain Storming » m’a remplie de joie et d’étonnements. D’abord nous nous sommes amusés avec les impros, ensuite la manière naturelle avec laquelle les jeunes du quartier s’en sont donnés à cœur joie, comme si nous nous côtoyions depuis toujours. Sans manières (mauvaises) ni provocations. De plus, Serge Sandor est parfait, souriant et souple. Je souscris pour PLUS.
Marie-Geneviève RANDON 

C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai participé à ces trois ateliers théâtre. Avec la participation des jeunes c’était super. Bravo aux jeunes du quartier. Un moment agréable de partage. J’espère que nous obtiendrons les fonds nécessaires car je veux continuer. Merci à tous.        Marie-Claire ROOZENS 

 Entretien avec Boris Cyrulnik dans Les Cahiers scientifiques de PNR Morvan:
 …L’expérience de la production de la pièce des Enfants des Vermiraux mise en scène par Serge Sandor, c’est une belle histoire et je suis convaincu que c’est ce qu’il faut faire. Etre capable de jouer un événement qui a été traumatisant pour des individus, pour une communauté, c’est ce qui permet de se décentrer de son histoire propre, de cesser de ruminer, et de reprendre la maîtrise de soi-même. Quand on rumine, on aggrave la blessure du passé, parce qu’on répète et c’est la définition psychanalytique de la névrose, prisonnier du passé. Quand on peut transformer la blessure en représentation théâtrale on remplace la blessure en beauté : je redeviens maître de mon monde, et moi qui ai été objet sexuel de l’agresseur, je redeviens sujet de mon roman, alors que j’étais objet sexuel de ces pulsions, c’est un changement de statut total qui peut s’opérer très vite…

Témoignage de Vincent Thomas, directeur territorial du réseau Alefpa dans l’Yonne à Gurgy.
Depuis toujours dans nos Maisons d’Enfants, les activités sportives ont servi de vecteur de socialisation. Elles sont certes des espaces de dépassement de soi, mais elles ne peuvent convenir ou satisfaire ni tout le monde, ni tous les niveaux de besoin. L’arrivée de projets culturels, dont le dernier « Roméo M Juliette », vient donc compléter l’offre en proposant à des endroits que nous devons considérer aujourd’hui comme primordiaux, des éléments de nourriture, d’expression et de plaisir. Pour cette population que nous accompagnons et qui a souvent le sentiment de n’avoir jamais rien réussi, ces adolescents qui vont d’échec en échec sans jamais avoir d’eux un retour valorisé, il existe désormais un espace de reconstruction de cette image de soi, de ses possibles compétences et de ce que l’autre peut trouver de beau en nous. Car c’est bien à travers le regard de l’autre que cette reconstruction est possible, par ce retour positif qu’il va apporter. A travers le projet mené avec Serge Sándor, nous permettons d’abord une rencontre avec des supports d’étayage dans une dynamique de ‘’résilience’’. Nous proposons ensuite à nos ados un droit à bénéficier de ce qui se fait de mieux, des costumes aux décors, des professeurs aux scènes parisiennes, de la pensée à l’écriture : le droit à l’excellence. C’est à cette condition de qualité et de professionnalisme que la dimension éducative du projet peut exister. Nous présentons enfin un travail dans la durée, ce qui est rare et n’est pas toujours simple avec nos jeunes. Pourtant, tous sont allés au terme des différents projets, portés par cet enthousiasme de Serge dont l’engagement personnel, du 1er au dernier jour, fédère dans une dynamique de solidarité créatrice. Au final, une vingtaine de jeunes de notre petit réseau Alefpa Yonne (entre les maquettes, les décors, les masques et les acteurs) ont été concernés. Tous parlent aujourd’hui avec plaisir de ce qu’ils ont réalisé. J’ai vu des ados qui n’étaient pas allés en classe depuis des mois, apprendre par cœur des textes de plusieurs pages, des ados qui ne supportaient pas de rester en classe face à l’autorité du prof, rejouer 10, 20, 30 fois la même scène sans jamais envoyer balader le metteur en scène, des ados comprendre le sens second d’une tirade, d’une scène, d’une pièce et découvrir alors que le théâtre n’était absolument pas l’objet inaccessible et désagréable qu’ils imaginaient, des ados capables, enfin, de s’aimer un peu. En vérité, j’ai vu ce qui était caché, ce qui était masqué par la souffrance. J’ai vu, sur scène, l’enfant heureux qu’ils ont, chacun, au plus profond d’eux même.
.....
Maison de quartier RIVE DROITE d'Auxerre:
"Il y a deux ans, on m'a embarquée dans une aventure pas banale, mais qui était la meilleure de ma vie, des nouvelles rencontres, nouveaux amis. Ça m'a aussi fait découvrir la peur de monter sur scène, le stress entre chaque scène, les costumes, les fous rires improbables, ou juste à quel point, chaque semaine, j'étais pressée de vous revoir. Toutes ces choses m'ont fait aimer le théâtre. Bref, c'était une expérience formidable, et si c'était à refaire je n'hésiterais pas une seule seconde à revenir. Merci à tous ceux qui m'ont poussée à le faire, qui m'ont encourager? C'était juste génial."                   
Leïlou
                                                                                                                           
"C'est la première fois que je faisais du théâtre, la première fois que je jouais un rôle sur scène et je suis vraiment contente d'avoir découvert le théâtre avec cette compagnie, et ce groupe là, c’était fantastique, ça a véritablement changé ma vie, c'est devenu ma passion, je joue théâtre, je vois théâtre, je parle théâtre, le théâtre c'est ma vie. Et je le savais même pas! Je me suis vraiment découverte. Ma vie à changé, même au niveau scolaire, mes résultats se sont améliorés, mon vocabulaire, et même ma façon de parler, j'ai appris énormément cette année au théâtre, plus qu' en 5 ans d'années scolaires en français. Je lis beaucoup de pièces de théâtre maintenant, je suis épanouie. Merci!!"                                                                                                                                           
Hind
                                                                                                                                             
"L'année 2017 a été merveilleuse grâce au théâtre. Continuer le théâtre avec vous m'a aidé à prendre énormément confiance en moi, ça m'a permis de me libérer de tous mes problèmes en quelque sorte, on va dire que ça me faisait oublier tous mes soucis. Tout me fait me sentir bien quand j'ai l'occasion d'être sur scène c'est fabuleux. Merci Serge encore pour ses merveilleuses aventures mais un grand merci à toi Laurence pour être toujours là au rendez-vous pour nous accompagner. Pour finir merci à toi aussi Bibi d'avoir continué à venir nous voir avec Serge de temps en temps ça fait toujours plaisir de vous voir.
Je vous adore merci la Team-Théâtre."                                                                                       
Aurore
                                                                               
"Hier j'étais pas la même que je suis aujourd'hui. J'arrive facilement à m'intégrer dans des groupes d'amis mais hier je n'y arrivais pas. J'étais seule à la récrée, à la cantine, et personne n'était assis à côté de moi en cours. J'avais pas confiance en moi.Aujourd'hui je m'en fous des gens qui m'aiment pas telle que je suis. Aujourd'hui j'ai appris à avoir confiance en moi...Aujourd'hui je me sens plus libre que jamais."                                                                                                                         
 Anaëlle
                 

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La Compagnie du Labyrinthe présente Résidence d’artistes en Bourgogne Création théâtrale et vidéo de Serge Sándor  Collaboration artistique Laurence Despezelle-Pérardel  et Bibi Naceri  Ateliers théâtre, écriture, création d'une court et d'un long-métrage sur LA DISCRIMINATION, L'EXCLUSION, L’ÉLOIGNEMENT, L'ISOLEMENT, L'ABANDON... avec des retraités et des jeunes issus de maisons de quartier, foyers, centres éducatifs et classes relais. Coulisses d’un film en construction:  https://www.youtube.com/watch?v=z1ZYTBM81zw&t=4s        + >    https://youtu.be/KIirNNgJuNA   + >  http://www.kizoa.fr/Montage-Video/d147730255k5685244o1l1/scène-à-tout-ge... La Nièvre et l’Yonne  Avril 2017 – Octobre 2018 Dessin d'Hind / Auxerre/ Juillet 2017 La Compagnie du Labyrinthe 14 allée des Pommiers, 93110 / Rosny-sous-Bois  Tél : 01 48 94 96 18 / courriel : sergesandor@free.fr Site : http://cielabyrinthe.free.fr